9.0. L’INTELLIGENCE


Elle sait qu’à présent - c’est la mort et qu’après, c’est la vie.
Elle sait qu’à présent - c’est la vie et qu’après, c’est la mort.




9.1. DE LA VITESSE DE LA PENSEE

A travers la limite réversible de la raison, peu déformés, les éléments de la connaissance passent dans l’autre monde de « l’ignorance », où ils s’unissent autrement qu’ils l’étaient dans la connaissance de laquelle ils viennent et forment ainsi de nouveaux agrégats de connaissance - la matière transcendantale. (Annexe A2)
Les éléments de la matière transcendantale, à travers la limite réversible de la raison, peu déformés, passent dans l’autre monde de la connaissance qui les a produits, où ils s’unissent aux éléments de cette connaissance et entre eux, et forment ainsi des nouveaux agrégats - la matière transcendantale est intégrée dans la connaissance de départ.
- Comment ces éléments « passent-ils » ?
- Ils ne passent pas. Les nouvelles assignations conceptuelles sont faites. La raison dit : à présent, l’élément A est égal à l’élément B, c’est tout. Le A reste là où il était, mais il remplit une autre fonction. Le « déplacement » est quasi instantané.
- Et si l’élément A ne veut point abandonner sa fonction ?
- Eh bien, alors, il ne passera pas de l’autre côté de la barrière et on dira que la raison n’est pas réversible.

 



9.2. VERS LE VIDE

9.2.1 LA TRANSCENDANCE
- Comment se fait-il que certaines choses ne soient pas convertibles en connaissance ou encore, compréhensibles ? Ou bien, comment se fait-il que la connaissance ne crée pas de nouvelles idées ? Qu’elle ne pose pas de questions? 
- Toute connaissance ou ignorance, considérée comme un objet séparé, a ses limites.
- Mais quelles sont les limites d’une raison ?
- C’est l’absurde.
- C’est-à-dire ?
- Une connaissance, par exemple, observant une ignorance, la convertit en quelque chose qu’elle reconnaît, en compréhensible (8.7.5. Le Combat). Et, ce qu’elle ne peut pas convertir est sa limite, l’incompréhensible, l’absurde. 
De même, pour une ignorance, une connaissance qui n’est pas convertible en ignorance est sa limite, le compréhensible, l’absurde.
En termes de plaisir et de souffrance, pour ce qui est dans l’état de plaisir, la souffrance qui n’est pas convertible en plaisir est absurde. Et, réciproquement, pour ce qui souffre, le plaisir qui ne mène pas à la souffrance est absurde, lui aussi.
L’observateur en état de raison observe un paysage réversible entre les horizons - limites - au-delà desquels il observe de l’irréversible, infranchissable - absurde. La raison est équivalente à la zone du présent (6.1.). Bien sûr, le perfectionnement de la raison est un perfectionnement de la réversibilité, de la symétrie, de la vérifiabilité et de l’égalité.


- Comment augmenter la vérifiabilité, la fiabilité de son domaine ? 
- En rejetant ce qui ne se vérifie pas. 
- Et comment le rejeter ? Comment le reconnaître qu’il n’est pas vérifiable ?
- En vérifiant sa réversibilité, bien sûr.


Le processus de perfectionnement de la réversibilité rapproche les limites de la raison, rétrécit le présent, et le rapprochement des limites est la voie vers l’union (1.4.), vers l’état de plaisir. 
Les opposés durcissent, deviennent purs. Des limites ; matière pure et énergie pure - s’approchent (2.1.,  2.2.). Et, si, à l’intérieur de la raison, ni l’un ni l’autre état ne s’assouplit, la raison est piégée entre ses limites, entre lesquelles elle vérifie-oscille « éternellement ».  A l’extrême, la raison vérifie que les limites « sont » ; ce qui lui prouve qu’elle « est ».

Une autre façon de voir le concept de la raison est de dire que, dans l’état de raison pure, il n’y a qu’un seul élément (Union 1.4.). Et, que c’est pour se confirmer, pour vérifier qu’effectivement il « est » (1.3.4.), pour vérifier sa présence, qu’il évoque ou encore, crée ou pense, une référence. Et puisqu’il ne peut évoquer que le concept de lui-même, donc une image de lui-même dans un monde à dimension supérieure à la sienne, il crée son opposé. Et puisque la vérification - réversibilité - est parfaite, l’opposé est aussi parfait que l’élément évoquant.

La raison parfaite « est » quand elle n’est ni l’un, ni l’autre absurde : ni matière ni énergie. Dans ce sens, la raison pure transcende les deux éléments qui la créent et qui, eux, à travers elle, se transcendent réciproquement.

L’on voit bien que, dans l’état de raison ou encore, union - plaisir, les états opposés sont répétés, et qu’avec l’amélioration de la réversibilité - l’élimination de la résistance - le temps nécessaire pour « aller » vérifier l’autre état et l’espace que « occupe » la raison - diminuent. La raison, sans obstacle à l’intérieur d’elle, à une vitesse presque infinie, dans l’état de plaisir ultime, « glisse » entre les limites, répète les états limites, se transcende et crée de la séparation, de la souffrance - de l’inégalité ou, encore, de l’irréversibilité au-delà d’elle, dans un monde auquel elle n’a pas d’accès.
La raison parfaite, piégée entre ses limites, cherche une issue, répète des tentatives d’échapper à elle-même, se transcende et crée de l’illimité (par rapport à elle). En effet, l’irréversible résulte du dépassement réalisé par le réversible. Une raison limitée crée de l’illimité, infini local.

 

 

PENSEES :

  • La raison est une limite, un miroir qui sépare et uni les absurdes (7.1.6.).
  • Le réversible, arrivant à sa limite, ne pouvant devenir plus réversible qu’il n’est, se transcende (Annexe A1A2), devient, dans un autre monde, l’irréversible qui, lui, ne pense qu’à devenir réversible.
  • Le limité, devenant parfait, se transcende et crée de l’illimité - parfaitement irréversible.
  • La matière-subjectivité, arrivant à la limite de sa réversibilité, devient l’énergie-objectivité.
  • Le présent - temps réversible - arrivant à sa limite, devient le passé et le futur irréversibles.

 

 

9.2.2. VERS LES TENEBRES
- Comme toujours, si l’on trouve un chemin, il est intéressant à chercher l’autre, le chemin opposé. Sur la voie de transcendance, quand la raison parvenait à la limite de sa réversibilité, elle se dépassait (9.2.1.,  Annexe A1 et A2), et devenait, dans l’autre monde, irréversible. C’était un ou l’autre monde. Mais si, avant de se transcender, elle parvenait à se diviser, ou encore à perdre partiellement sa réversibilité (Annexe A2.3.2.1.), sa « raison » ; par exemple, si elle permettait la pénétration d’une partie de l’autre monde en elle ou, encore, si elle imaginait l’autre, qu’arriverait-il ? 
- Si elle le fait, une partie d’elle deviendra le domaine où elle, la raison, et l’autre, l’absurde, seront à égalité ! Donc, en fait, ce sera la naissance d’une nouvelle raison ! commune, partagée par les deux partenaires ...
- Bien sûr, et, à ce stade, elle n’aura plus besoin de pénétrer dans l’absurde - elle y est déjà ! En effet, à présent, une parcelle de l’absurde est rendu réversible. Certes, les « valeurs » de la nouvelle raison ne sont pas celles qu’elle connaissait avant, mais, dorénavant, elle connaîtra ce que, juste avant son départ, elle ignorait totalement. (2.1.2.) : la raison de départ est devenue connaissance.

Autrement dit, devant une limite absurde, au lieu de la rejeter ou de se laisser détruire par elle, la raison peut adopter une attitude super-raisonnable. En « s’oubliant », en abandonnant son présent réversible, elle peut l’appliquer ou, encore, s’appliquer, comme telle, à cet absurde. Elle peut, en quelque sorte, « consacrer » sa raison - plaisir - à la souffrance.

En effet, la voie « des ténèbres », de contestation du soi ou, encore, de transmutation permettent convertir l’absurde en « raisonnable » et, en même temps, d’écarter les limites, d’élargir la zone du présent-raison.


PENSEES :

  • La transcendance est la voie du « devenir ».
  • La transmutation est la voie de la « compréhension ».

 

 

9.2.3. EST-CE L’INTELLIGENCE ?
- Elle ne donne jamais de certificats.

- Qu’est-ce qui fait que la raison s’engage sur la voie de lumière-transcendance ou sur la voie de ténèbres-transmutation ?
- C’est le caractère des limites auxquelles elle se heurte qui est décisif. Les limites faibles la mettent sur la voie de ténèbres-transmutation. Par contre, les limites fortes, infranchissables, absurdes déclenchent le processus de transcendance. 

- Qu’est-ce qui fait qu’elle s’attaque à des limites infranchissables ?
- C’est qu’elles la dépassent. C’est que la différence entre la raison et l’absurde est tellement nette et évidente que l’une transcende l’autre. Elles s’unissent. Il n’y a pas d’autre issue.

- Comment le fait-elle ?
- Etant parfaitement réversible, sûre d’elle, elle n’a pas peur de renverser ses valeurs, y compris sa propre présence, pour pénétrer dans l’opposé. Elle sait que, de l’autre côté, c’est la mort, et qu’après la mort c’est la vie. Elle sait qu’à présent - c’est la mort et qu’après, c’est la vie. Elle sait qu’à présent, c’est la vie et qu’après, c’est la mort. Quelle différence donc ?

- C’est affreux !
- Certes, il y a de quoi avoir peur. Cependant, elle, la raison de lumière et de ténèbres, ne s’attaque pas aux autres. Elle s’applique à elle-même. 


PENSEE :

Ce n’est que le « parfait » qui peut se transcender, le « imparfait » transmute.

 


9.3. LE VIDE

Les zones où les champs de la connaissance et de l’ignorance s’égalisent sont des domaines que nous avons appelés, au cours d’autres méditations, état de sagesse et qu’actuellement, nous nommons - la raison. L’état dans lequel le plaisir est égal à la souffrance ou, encore, l’union égale à la séparation, est l’état de vide de singularités car, où bien elles ne sont pas perçues, ou bien elles sont rendues réversibles. L’état de vide, de sagesse parfaite, est l’état de virtualité de la création ou de la destruction de la matière ou de l’énergie, du plaisir ou de la souffrance (8.1.).
L’état de vide n’est jamais un état isolé. Il est créé et conditionné par les deux oppositions absurdes, il est leur limite. En effet, sans elles - le vide n’est pas.

 

La raison seule, séparée de l’absurde, est l’un, l’absence et mort.
La raison opposée à l’absurde le transcende - 
observation, vie et conscience « sont ».