8.0. ENTRETIENS

L’union et le plaisir sont dépendance et esclavage.
La séparation, la souffrance, la pensée - indépendance et liberté.




8.1. ETAT DE VIDE

- Mais, comment la pensée naît ?
- La pensée est produite lors de la restructuration des agrégats conceptuels de la connaissance. Créée par la reproduction de la connaissance, elle joue le rôle de médiateur - facteur neutre - permettant la résolution des conflits entre les domaines du subjectif et de l’objectif. Sa qualité dépend de l’état de la connaissance qui l’engendre.
La connaissance en état de sagesse, par exemple, face à un problème, à partir de l’état de faible structuration, se structurant, en réassemblant ses éléments se concentre, entre en état de renforcement des liens entre ses concepts. Ce mouvement crée, à la limite de la connaissance (3.6.), un continuum - pensée - (5.19.1.) ou encore le raisonnable, qui, lui, s’interpose entre la connaissance et le facteur extérieur perturbant. Et la suite ? L’on a longuement discuté dans d’autres chapitres ; c’est la création, au sein de la connaissance, d’une idée, d’une nouvelle matière et du passé.
Certes, ce n’est que l’état d’énergie qui permet le « brassage » des relations entre les agrégats conceptuels et, alors, la modification de la structure globale devient possible. 

- Dans les termes que vous utilisez, l’idée est une pensée réalisée. N’est-ce pas?
- Oui. La pensée réalisée - passé - dans le sens de l’expérience.

- Y a-t-il donc d’autres pensées ?
- Oui, celles qui résultent d’un cycle incomplet de l’observation : la pensée séparée (5.21.) et la pensée unie (5.20.) produites, respectivement, par la connaissance en états de penseur et de réalisateur.
Prenons l’exemple de la pensée séparée, générée par la connaissance en état de très faible structuration. Tendant vers la séparation sans se pourtant réaliser, la connaissance se déstructure ou même, à la limite, se détruit. Ce type de processus ne crée pas de connaissance. Il rend possible l’union future des éléments séparés, produit des idées virtuelles. Le processus est la conscience de séparation, la production du futur. En effet, les fragments séparés et libres peuvent se réunir et créer une nouvelle structure ou connaissance. Mais ceci n’est qu’une virtualité, l’avenir incertain.

- De quoi dépend la réalisation du futur ?
- La probabilité de la matérialisation du futur ou, encore, de ces pensées séparées dépend de leur éloignement ou de la distance qui les sépare de la zone du présent. La probabilité est faible quand la distance est grande. Ce n’est que quand elles pénètrent dans le présent qu’elles deviennent idées, pensées réalisées, ou encore, matière, connaissance.

- Peut-on dire que la connaissance est une ignorance virtuelle ?
- Bien sûr. Toute connaissance, se transcendant, devient, relativement - une ignorance. 

- Et l’ignorance, je suis le fil de votre pensée, se transcendant - grâce à l’union, devient la connaissance, la matière.
- Ignorance/futur et connaissance/passé sont les états extrêmes. Etant séparés, ils restent unis par le processus de transcendance réciproque.

- L’état de raisonnable, le « I » comme disent certains, est-il équivalent à l’état de vide ?
- Entre deux opposés absurdes, le raisonnable, le « I », la pensée, ne sont ni l’un ni l’autre, ils sont leurs limites. Cependant, une limite n’est jamais parfaite ; composée d’éléments opposés qu’elle sépare, elle s’étend dans les deux domaines. Le « I » représente une certaine « épaisseur » et, comme tout observateur-connaissance, il peut gagner l’état de matière ou d’énergie.
L’état de vide d’une connaissance est un état de double virtualité : d’union ou de séparation, ou encore, un état de simultanéité du passé et du futur. Donc, suivant la définition de Saint Michel (6.1.1.), l’état de vide correspond au présent.

- Voulez-vous dire que, dans cet état, les probabilités de restructuration de la connaissance par l’union ou par la séparation sont égales ?
- Oui.

- Que faut-il pour que la virtualité de cet état se réalise ?
- Les créations, aussi bien du futur que du passé, sont des efforts du présent-vide pour communiquer avec le non-vide, des tentatives de transcender son état. Et la condition pour que le présent-vide se transcende ? C’est, bien sûr, sa présence même.
- Si la pensée est créée afin d’assouplir le conflit, c’est-à-dire l’opposition de deux contraires, vous l’avez bien dit plus haut, elle devrait effectivement les observer ? En se mettant à sa place, ne pourrait-on pas dire : « Je suis » entre deux oppositions ou, encore, je suis prise dans une dualité ?
- Oui. Tout observateur est dans l’état de conflit, ou encore de différence. Et pour que la différence soit, il faut minimum deux éléments. N’est-ce pas ?

- Cependant, l’état de vide, le présent, sont les états dépourvus de l’observation. Dans cet état, l’observation n’est qu’une virtualité, une possibilité, donc... 
- Certes, seul le présent parfait est sans pensée et, en conséquence, sans dualité. 

- Alors que la pensée est créée pour observer.

 

 

8.2. REALISATEUR - PENSEUR

- Quand j’ai lu votre texte, j’ai été intrigué par le concept de perfectionnement d’état que vous développez dans le chapitre 2.5. Pourriez-vous expliquer quelle est l’essence de cette idée ?
- Au début, l’élan vers le perfectionnement, soit de l’état de matière, soit de l’état d’énergie, est, en fait, une transcendance momentanée de l’état de l’individu, alors que la répétition du même perfectionnement est l’amorce d’un nouvel état général ou, encore, d’une nouvelle existence. 

- Quel est ce nouvel état ?
- Il y a deux états à considérer. Commençons par le perfectionnement d’union qui engendre l’individu que nous appelons le réalisateur, ou encore, le R. (5.20. et 7.3.)
Nous savons que le perfectionnement d’union est l’évocation de la conscience d’union directement à partir de l’état d’union, sans séparation préalable. Un objet, une connaissance ou, encore, une matière, sont possédés et incorporés par un réalisateur sans séparation-analyse - d’où l’impossibilité d’intégrer ces objets dans sa connaissance. C’est une possession sans union d’éléments : puisqu’il n’y a pas eu de division - il n’y a pas de nouvelle matière. 
En effet, bien que le réalisateur soit en état d’union par rapport à l’état de sagesse, son état n’est pas réalisé pleinement. Sa matière, bien qu’impressionnante, n’est pas intégrée - elle ne crée pas d’idées, sa pensée concerne sa propre connaissance. 
Ce type d’individu recherche l’état d’union moyennant des réalisations sans concept ; il capte les réalisations des autres, absorbe, accumule la matière et, en conséquence, il tombe dans l’action continuelle.
En outre, son activité incessante le prive de toute réflexion complexe, car la réalisation immédiate de la pensée naissante empêche son développement. L’action immédiate remplace la pensée et la conceptualisation. Il en résulte une étroite zone de présent et une lente croissance de la matière.

- A vous entendre, il semblerait qu’un réalisateur vit uniquement le désir d’union?
- Bien sûr que non. Simplement, il amorce son cycle d’observation par l’évocation du désir d’union et, après la réalisation de l’état d’union, il expérimente la conscience de séparation. Son observation se déroule en sens inverse par rapport à ce que l’on a établi comme « cycle standard » au début du développement de notre théorie sur l’observation ( fig. 6 et fig. 8 ).

- Dans votre analyse, vous considérez toujours que le réalisateur est un perfectionnement, ou plutôt une anomalie, d’un individu rationnel. Mais vous disiez aussi, au début de notre discussion, que cet état peut devenir un nouvel état général.
- Il est évident que si l’état de réalisateur devient la routine dominante, l’individu mute. Dans ce cas, les états de matière et de perfectionnement d’union de son prédécesseur deviennent chez lui, respectivement, les états d’énergie et de matière. Entre ces états, un nouvel état de sagesse s’instaure et l’individu devient stable. Son état de sagesse est, bien sûr, déplacé, par rapport à l’état passé, vers l’union.

- Ce que vous décrivez ici est, en fait, le processus d’évolution de l’état de conscience de l’individu. Cependant, afin de compléter la discussion, il faut que nous parlions de l’état opposé à celui de réalisateur.
- Bien entendu. A l’opposé du réalisateur, se place le penseur ; le P, celui qui se perfectionne par la voie de séparation (7.4.). Le penseur construit ses pensées à partir de la connaissance en état de division, en état de conscience de séparation. Sans une réalisation ou synthèse intermédiaire, la pensée est engendrée par la pensée, sans création d’idées, sans réalisation. L’état de penseur, en conséquence, peut être qualifié de défaut de réalisation. Et puisque les pensées ne sont pas réalisées, elles sont créées sans cesse. C’est une conceptualisation sans division : il n’y a pas de matière pour la diviser.

En fait, bien que sa pensée soit en mouvement, un penseur ne pense pas, il ne crée pas d’idées. Le peu de réalisations qu’il fait, concerne ce qui est déjà réalisé, sa matière ou son corps. Un penseur parfait est un concept pur, ignorance ou « esprit ».

Ce type d’individu recherche une réalisation parfaite par des conceptualisations sans synthèse, sans compréhension.
Un objet, une situation, une idée, ou encore une matière extérieure, sont divisés et analysés sans synthèse, sans compréhension, sans intégration - simplement sont détruits. Il en résulte la conscience de séparation, une zone du présent mal définie, et l’évolution du penseur vers la division et la dispersion de sa connaissance.

- Peut-on dire ici, par analogie avec le cas du réalisateur, que si l’état de penseur est répété, il peut engendrer son propre état de sagesse ?
- Oui. Et dans ce cas, ce sont les états d’énergie et de perfectionnement de séparation de son prédécesseur qui deviennent, respectivement, ses états de matière et d’énergie. Bien sûr, entre ces états, un état de sagesse s’installe - déplacé par rapport à l’état passé vers la séparation, vers l’absurde (fig. 9b).

 

8.3. LE COUPLE

- A la suite de ce que l’on a entendu, on peut avancer que, en fait, le réalisateur est, sans le savoir, constamment à la recherche d’une idée. Il s’active, accumule de la matière sans pourtant beaucoup penser, et il devrait être, en conséquence, très sensible aux idées extérieures. Pourrait-on dire que chez lui, peu d’énergie produit beaucoup de matière ?
- Certes ; dans son état, l’idée venant de l’extérieur remplit le manque, remplace la pensée autonome et, comme le réalisateur déteste la moindre pensée non réalisée, il la réalise immédiatement. Le manque de conscience de séparation est rempli par les concepts préparés et arrivant de l’extérieur.
En quelque sorte, l’idée extérieure remplace la phase manquante de l’observation, rend l’observation plus complète : à la suite d’une conceptualisation, il y a une réalisation. Nous avons noté cette possibilité dans maints chapitres.

- N’est-ce pas l’hypnose ?
- Hypnose est un grand mot. Mais il est vrai qu’un réalisateur est prédisposé aux influences conceptuelles ou, si vous voulez, à l’hypnose mentale. En effet, il va suivre les concepts extérieurs en les réalisant par le mouvement, par exemple, de son corps.

- Quelles sont pour lui les raisons hypnotisant ?
- Les oeuvres inachevées, les concepts clairs et bien exposés, l’irrationnel, l’immobilité, la souffrance aussi.
- Et le penseur, est-il aussi sensible à l’hypnose ?
- A la différence du réalisateur, le penseur, immobile au niveau de la matière-corps, sera hypnotisé par l’action, par une réalisation extérieure, par ce qui lui manque, par le mouvement.
Dans son état, une réalisation toute faite venant de l’extérieur remplace le manque de matière-connaissance unie ; en conséquence, il va suivre les réalisations extérieures, il se laissera influencer, il sera hypnotisé par elles. Aussi l’on pourrait dire que, chez lui, peu de matière produit beaucoup d’énergie.
Le penseur est prédisposé à l’hypnose par ce qui est matière ( par ce qui équilibre son état de division ). Les facteurs hypnotisant sont : oeuvres réalisées, explicites, non-évocatoires, doctrines, sciences exactes, rationnel, mouvement, danse, courses, plaisir immédiat.

- Peut-on dire que le réalisateur est un bon hypnotiseur pour un penseur, et le penseur pour un réalisateur ?
- Oui. Un couple RP, réalisateur - penseur, par l’effet d’hypnose réciproque, forme une boucle de répétition ou l’individu-existence.
Le penseur, immobile, pense et le réalisateur, mobile, réalise cette pensée en accordant son mouvement à la pensée de l’autre. De la même manière, le réalisateur dirige par son mouvement la pensée du penseur ; le penseur s’identifie à ce mouvement.
Dans la nature, des couples RP d’observateurs unis par l’observation sont fréquents et constituent souvent les éléments de base de l’échafaudage d’autres observateurs plus complexes.

- Pourriez-vous citer quelques exemples ?
- Des exemples ? Mais tout notre exposé sur l’observation en est un puisque, remarquez-le bien, matière et énergie, connaissance et ignorance, modèle et champ, ne sont rien d’autre que des couples d’observateurs réciproques. Cependant, si vous insistez sur des représentations concrètes, en voici :
Le couple : centre - satellite, que l’on observe aux niveaux micro et macroscopiques de notre monde. Et puis, maître - disciple, femme - homme.

- C’est toujours l’ignorance qui gravite autour de la connaissance...
- Vraiment ? Et pourquoi pas la connaissance autour de l’ignorance ?

- Arrêtons-nous, s’il vous plaît, sur le dernier exemple. Dans le chapitre 4.1. et dans beaucoup d’autres, vous parlez de l’état de matière et de l’énergie en termes de caractères féminins et masculins. Pourquoi cette association ?
- La femme est une matière réalisée, accomplie, parfaite. Sa connaissance réalisée et structurée contient presque toutes les informations nécessaires pour se développer en énergie, en champ.
Etant parfait, l’état de femme est l’état de fruit-matière dont vous connaissez déjà bien les caractéristiques. Comme telle, la femme est en état d’immobilité, car c’est la stabilité qui lui assure le plus de chances d’être repérée par le champ - elle attend la venue de l’information manquante pour son développement. Par rapport à l’état de sagesse, elle est en excès de connaissance ou de rationalité, en état de lourdeur et de gravité naturelles.

- Ce qui me frappe dans votre description, c’est que vous dites qu’elle est parfaite.
- Oui. Etant parfaite, elle ne cherche plus la perfection ; au contraire, elle guette la relativisation de sa connaissance, la destruction, la folie. Son extase est essentiellement conscience de séparation : plaisir de séparation, division, mouvement, champ, absence et mort. 

- Dans ce contexte, comment placeriez-vous l’état d’homme ?
- L’état d’homme est énergie. Il est une matière en état de séparation, un champ, donc une connaissance non réalisée ; dans ce sens, il est l’état d’extase de la femme. L’homme est une connaissance virtuelle et, comme tel, il est en état de recherche de réalisation. L’homme est mobilité - c’est le mouvement qui assure le plus de chances de trouver l’immobile, une réalisation. 
Par rapport à l’état de sagesse, il est en état de manque de connaissance ou d’excès d’ignorance ; c’est un état d’irrationalité, de légèreté, de folie naturelle.
L’homme est à la recherche de la conscience d’union. Son extase est donc le plaisir d’union, l’immobilité, l’existence et la vie. Il s’unit pour devenir femme.

- Quand vous parlez : femme ou homme, sont-ils des individus, ou des états de l’individu ? 
- Des états, bien sûr.

- Mais revenons à nos couples. La formation d’un couple, me semble-t-il, est la création par deux individus-limites d’un nouvel individu, moins spécialisé, donc plus adaptable aux changements lors de la relation d’observation avec l’extérieur.
- C’est exact. Car le couple, en opposition à un seul réalisateur ou penseur, dispose d’un présent plus large et caractérisé par la double virtualité (8.1.) ; le couple peut projeter simultanément le passé et l’avenir, peut basculer aussi bien dans l’état de femme que d’homme, en matière ou en énergie.
En effet, tout en restant lié, chaque élément du couple, localement, garde son identité, alors qu’à l’extérieur, le couple - individu - manifeste les deux tendances simultanément.

- Le couple donc, traité comme individu, est en quelque sorte plus « sage » que ses éléments. Cependant, étant un individu, donc toujours imparfait, ne recherchera-t-il pas un autre individu, de sagesse comparable, afin de créer un autre couple encore plus sage ?
- Nous dirions plutôt : ce qui cherche à former un couple n’est pas entièrement réalisé et, entrant en état de couple, se réalise, partiellement. Bien sûr étant imparfait, l’individu-couple cherchera un autre individu-couple pour améliorer son équilibre. Et si l’individu-couple arrive à un niveau de singularisation où il ne trouve pas de partenaire adéquat il se divisera, il récréera ainsi « l’autre » et, ensuite, il formera avec lui, de nouveau, un couple.

- Je sens que votre analyse doit s’appliquer à différents domaines des sciences, entre autres, à la science du cerveau. Mais à présent, j’aimerais que nous revenions encore à la discussion au sujet de l’état de sagesse. Est-il correct d’affirmer que tout état de sagesse est, en réalité, un état de couple ?
- La question est complexe, mais tentons d’y répondre. Nous pourrions dire, par exemple, que si tout est matière et énergie, tout est un couple matière - énergie, et tout est en état de sagesse. Cependant, faire une telle assertion, équivaut à ne rien dire. 
Pour progresser, reprenons la définition de cet état. Il était défini, en effet, comme un état intermédiaire de transmutation réciproque des états de matière et d’énergie donc, par définition, comme un état de passage ou état dynamique, jamais stable, sans temps subjectif, jamais « obtenable » - ni matière ni énergie - nous l’avions comparé au vide. Etant un état de passage, il n’est réalisé que lors du mouvement, il est un instant et, comme tel, pour ce qui existe et se réfère au temps subjectif, est inaccessible.
Nous dirions plutôt que les participants au couple, tout en gardant leur individualité imparfaite, leur séparabilité, tout en restant des « déviations » R et P, simulent l’état de sagesse s’observant, transcendant leurs « écarts ».

- Est-il possible d’imaginer un couple parfait ?
- Serait-ce, simultanément, connaissance et ignorance, matière et énergie, vitesse infinie et nulle ? Quelle est la substance de leur état de sagesse ? Un couple parfait, n’existerait-il qu’un instant seulement ? Nous espérons que ces questions resteront éternellement - questions.

 

 

8.4. LE PLAISIR D’UNION

- Ah, je bois vos paroles comme un nectar magique, tout s’éclaire ! Ce qui était obscur et douteux devient limpide, se réalise et crée une infinité d’idées. Quelle simplicité ! Les concepts disparaissent - mutent en matière, la connaissance apparaît. Ah, quel plaisir d’union ! 
Maintenant, je le sais, l’évocation de l’opposé, le « canon » de votre discours sur l’observation n’est rien d’autre que la création d’un couple par ce qui est seul et uni !
- Oui ! Le « seul », objectif et réel, évoque son contraire, le subjectif - une réalité!
- L’asymétrique - unique, évoque la symétrie - duelle, afin de devenir, à son tour, asymétrique !
- La connaissance se perfectionne en éliminant son imperfection - ignorance-pensée qui, elle, devient son partenaire - satellite, et l’ensemble transcende les deux états particuliers. 
- Mais oui, mais oui, la solitude est un état d’imagination !

 

 

8.5. LE CERVEAU

- Nous disions, lors de l’entretien précédent, que l’analyse de l’état de couple pourrait apporter du nouveau aux sciences du cerveau. J’aimerais que nous discutions de ce sujet.
- Volontiers. Nous disions alors que le séparé, entrant dans l’état de couple, simule le plus-parfait que lui - le « un ». Et que l’état de « un », ou encore l’individu « I », résulte de cette simulation.

- Que voulez-vous dire par là ?
- Que, peut-être, le cerveau, composé de deux hémisphères-individus, l’un R - réalisateur de la synthèse et l’autre P - penseur analysant, est un couple rationnel en état d’union permettant « l’amplification » de la connaissance et des idées. (8.3., aussi les chapitres 1.4.3. Observabilité de l’union, 5.22. Intelligence, 6.0 Méditation, et 7.2. Individu )

- L’amplification ? Dans quel sens ?
- Certes, le mot amplification n’est pas très heureux. Il faudrait plutôt employer le terme « multiplication ». Voilà notre scénario :
A partir d’un fait - matière -, le cerveau-penseur crée une multitude d’idées, d’interprétations (pour le P - peu de matière produit beaucoup de l’énergie). Chacune de ces idées, reprise par le cerveau-réalisateur (pour le R - peu d’énergie crée beaucoup de la matière), est réalisée, vérifiée - matérialisée de différentes manières donnant ainsi naissance à une grande quantité de nouvelle matière. Les individus en état de couple amplifient, en effet, la valeur d’entrée, matière ou énergie, par « le produit » de leurs « déformations » des consciences.
Nous pensons, par conséquent, que le couple RP d’individus en états opposés - un cerveau - est beaucoup plus efficace que chacun d’eux séparément. Oui, sans doute, le rendement de conversion d’un couple est supérieur à celui des individus qui le forment.

- Pendant que vous parliez, l’idée m’est venue que chacun des opposés, chacun des partenaires du couple, peut être formé d’autres éléments opposés et couplés, et ainsi de suite. 
- La reprise des idées et des réalisations, réciproquement, par les couples réalisateurs et penseurs. N’est-ce pas ?

- Oui. 
- Et en développant cette idée encore une fois, on pourrait voir notre monde comme une étendue d’individus « déséquilibrées ou non-linéaires », ou encore, sexués, absurdes, entrant en état de couple - cerveau - afin, grâce à la génération de la pensée, de s’équilibrer, de se rationaliser. 

- Et la stabilité du couple, le temps de sa vie, devrait dépendre de la stabilité des couples dont il est formé.
- Peut-être. Mais ne généralisons pas trop vite. 

- Mais si, mais si ! J’aime cette idée, et je dirais encore que, pour que ce monde existe, il faut que le couple le plus absurde soit très stable. Eternel ? Peut-être ? Qu’en pensez-vous ?
- En tout cas, votre idée nous ramène devant l’éternel problème de l’origine. Voilà ce que je pense.

- Attaquons-le donc.
- D’accord. Pour nous, l’ensemble « point unique - vide parfait », est le couple RP le plus extrême ; un cerveau élémentaire ou, plutôt, primaire. 
Autrement dit, le point-réalisateur et le vide-penseur sont les déviations de l’état raisonnable du couple. Quel est cet état ? Est-ce la transmutation - conversion continuelle de l’un en l’autre ? Essayons de discuter ces questions.
Le point unique, pour qu’il soit unique, doit être contenu dans un espace vide d’autre chose ; il doit se référer au vide. Sans le vide, il n’est pas un point unique. De même, le vide absolu, pour qu’il soit vraiment vide, ne doit rien contenir. Or, pour constater qu’il ne contient rien, il faut un observateur, une référence. Et l’observateur le plus élémentaire est un point ( voir le chapitre 1.1. Cara-matière dans le vide ). 

Les deux opposés extrêmes sont unis par un lien extrême ( 0.1.3.). Pour un observateur extérieur, ils sont « un » ; ni l’un ni l’autre ne peut jamais être seul. Ou encore : le point pense au vide et le crée, et le vide évoque le point et le réalise (1.4.3.). Le point-union transmute en vide-séparation et le vide-séparation se convertit en point-union ( Union 1.4.0. ).
L’un est l’imperfection de l’autre. L’un évoque et réalise l’autre. L’un attire et repousse l’autre. Ils ne peuvent jamais s’unir car ils sont déjà unis, ils ne peuvent se séparer, puisqu’ils sont séparés. L’un est la limite de l’autre (1.4.2.).
« Leur raisonnable », l’état de couple-cerveau, ni l’un ni l’autre seul, est l’assouplissement des absurdités - leurs perfections. Et qu’est-ce que l’assouplissement d’une perfection ? Son imperfection, bien sûr. En effet, ce sont les imperfections du point et du vide, leurs caractères référentiels, réels, ou limités, qui les lient et sont la pensée de ce couple - cerveau. 
A la limite, quand l’opposition devient nulle, le lien est, lui aussi, nul ; les opposés deviennent identités, le couple s’annule, la pensée disparaît. Ils deviennent « un », une absurdité - à la recherche d’un autre, opposé.

- Que pourrions-nous dire de notre pensée ? Qu’est-elle ?
- Les individus en états de matière et d’énergie, ou encore, les déviations par rapport au raisonnable, s’attirent afin de former, grâce à une observation réciproque, un autre individu composé d’eux-mêmes, qui les transcende. La pensée, ou plutôt la conscience, est le concept de cet individu, elle accompagne la réduction d’oppositions. Oui, sans doute notre conscience, comme toute autre, résulte de la compensation, ou du dialogue, des absurdités.

- Si la conscience est un concept, que devient-elle, réalisée ?
- Difficile de répondre. Est-ce la réalité ? Est-ce l’image qu’elle se crée d’elle-même ? La conscience de soi, avec sa certitude quasi-matérielle ?

- Et si, en suivant le concept des couples, la conscience se réalisait en entrant en couple avec une autre, légèrement opposée ?
- Cela impliquerait l’existence de consciences du type « Penseur » et 
« Réalisateur ».

- Ou les consciences de séparation et d’union, pour continuer à employer la terminologie utilisée dans d’autres entretiens.
- Oui. Et le cycle complet de l’observation - accès-analyse - suivie d’acquisition-synthèse, ou encore la conversion matière - énergie, pourrait s’interpréter comme un couple RP connaissance - ignorance, mutant l’un en l’autre.